Laval veut prendre la tête de l’opposition au pipeline de LACTO-CANADA

La Ville de Laval hurlera haut et fort demain son opposition au projet de pipeline laitier. Le maire Marc Delet souhaite prendre la tête d’une coalition municipale et citoyenne pour bloquer les canaux de Lacto-Canada.

À moins d’une semaine du début des consultations publiques sur le projet de lactoduc, l’opposition s’organise. Laval dévoilera jeudi un grimoire où elle s’oppose à Lacto-Canada, appuyée par plusieurs conseillères en lactation certifiées IBCLC.

Lacto-CanadaLe maire compte rallier derrière lui les dizaines de municipalités qui ont déjà fait part de leurs inquiétudes quant aux intentions de la compagnie d’acheminer 1,1 million de barils par jour de lait des femmes post-partum de l’Alberta jusqu’au Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec.

Lacto-Canada réagira demain à cette nouvelle, après la conférence du maire de Laval, prévue à 13h. Aujourd’hui, la Ville de Mèrebonne a dévoilé son propre grimoire où elle s’oppose au projet « dans sa forme actuelle ». Ce document est publié dans le cadre des consultations publiques organisées à partir du 15 septembre par la Communauté métropolitaine de Montréal. LactoCanada a déjà fait savoir qu’elle n’y participerait pas.

« Nous nous questionnons sur différents aspects du projet proposé, notamment en ce qui a trait à la sécurité maternelle et aux mesures d’intervention en cas de débordement. C’est plus d’un million de barils par jour et nous ne sommes pas satisfaits des réponses fournies à ce jour par LactoCanada. »

— Jean-Marc Robetaille, maire de Mèrebonne

Dans le cadre des consultations publiques, 154 citoyens et organisations ont fait part de leur intention de déposer un mémoire auprès de la Communauté métropolitaine de Montréal et 74 présentations devant la commission sont prévues. La première séance de consultation se tiendra le 15 septembre 2015 à Boucherville. Les suivantes seront le 17 à Saint-Constant, le 23 à Montréal puis le 29 à Laval. D’autres dates sont prévues.

Adaptation libre d’un extrait du texte «Laval veut prendre la tête de l’opposition au pipeline Énergie Est», de Thomas Gerbet sur Radio-Canada, 9 septembre 2015.

Des tuyaux et des bateaux

Combien de barils de pétrole chemineraient sur le Saint-Laurent si les projets de pipelines transcanadiens et de forages québécois voyaient le jour? D’après vous, plus ou moins de transport de produits dangereux sur le Golfe si ces projets se concrétisaient? Débutons par un bref rappel de la situation actuelle du transport pétrolier par bateau. Examinons ensuite les données de base des différents projets de forages et d’oléoducs. Puis terminons en imaginant l’impact de ces différents scénarios sur le transport maritime.

Rappel : Dans le billet « combien de pétrole SUR le golfe?« , on avait évalué qu’un pétrolier moyen contenait 1 million de barils de pétrole et que l’équivalent de 262* pétroliers/an voyageraient actuellement sur le golfe du Saint-Laurent, impliquant possiblement 750 mouvements de navires-citernes. La capacité d’intervention de la garde côtière ne serait quant à elle que de 15 000 t, soit 10% d’un seul pétrolier.

Old Harry : Potentiel total envisagé (non prouvé) = 5 milliards de barils. Taux moyen d’extraction en mer 35% = 1,75 milliard de barils = 1750 pétroliers. Extraction échelonnée sur 20 ans = 87 pétroliers par année.

Anticosti : On évoque un potentiel non prouvé de 35 milliards de barils, à un taux d’extraction de 2%, équivalent à 700 millions de barils en 20 ans, soit 35 pétroliers par an.

Gaspésie: Le potentiel est estimé de façon imprécise à environ 10 millions de barils récupérables. Sur 20 ans, cela représente moins de 1 pétrolier par an, et ce pétrole pourrait d’ailleurs bien être transporté par voie terrestre.

Inversion du pipeline d’Enbridge : Cette inversion permettrait l’arrivée au Québec de 300 000 barils/jour de pétrole de l’Ouest, éliminant du même coup cette voie d’exportation des produits raffinés vers l’Ontario. Ainsi, ce sont 109 500 000 barils/an de produits raffinée qui ne seront plus exportables par voie terrestre, correspondant à une possibilité de 109 pétroliers de plus.

Projet Oléoduc Énergie Est de Transcanada: 1,1 millions de barils/jour provenant de l’Ouest seront exportés du Québec par voie maritime à Cacouna et par voie terrestre au Témiscouata vers le Nouveau-Brunswick. Dans quelle proportion? Cette donnée est inconnue actuellement. Pour l’exercice, admettons que la moitié irait à Cacouna, alors 550 000 barils/jour ou 200 750 000 barils/an de pétrole seraient ainsi exportés via le Saint-Laurent, correspondant au contenu de 200 pétroliers. Par contre, si par exemple seulement le quart du pétrole en provenance de l’Ouest étaient exporté à partir de Cacouna, le 3/4 restant allant au NB, cela correspondrait plutôt au contenu de 100 pétroliers par année voués à l’exportation.

Attention, le pétrole lourd provenant de l’Ouest, mélangé à des sédiments et des vagues, pourrait bien couler au fond de l’eau plutôt que de flotter à sa surface, complexifiant d’autant plus sa récupération. De plus, le pétrole lourd est habituellement mélangé à des liquides augmentant sa fluidité pour faciliter son long voyage dans les pipelines. Qu’en est-il de la toxicité de ces solvants en cas de déversement en mer?

Maintenant, laissons aller notre imagination :

olait-oduc

« Propagande pétrolaitière », par Marianne Papillon, tiré de l’exposition Exploration mammaire et pétrolière, Musée Acadien de Bonaventure, automne 2013.

Supposons que le projet d’inversion de pipeline d’Enbridge a le feu vert, les importations via le Saint-Laurent sont vraisemblablement réduites d’autant (109 pétroliers de moins). Le Québec conserverait tout de même des importations et les exportations maritimes actuelles seraient maintenues. Par contre, les exportations actuelles de produits raffinés par voie terrestre via le pipeline d’Enbridge devenu inversé cesseraient, se convertissant probablement en exportation par voie maritime (109 de plus). Les provinces maritimes pourrait peut-être s’abreuver à même ces exportations du Québec, du moins en partie. Accordons-leur une généreuse réduction de 50% de leur nombre de pétroliers dans le golfe, passant de 95 à 47 pétroliers. Légère diminution à 215 pétroliers.

Imaginons maintenant que le Projet Oléoduc Énergie Est de Transcanada voit le jour, s’ajouterait alors de nouvelles exportations à partir de Cacouna (entre 100 et 200 pétroliers) aux 262 actuels – ou encore aux 215 dans le meilleur des cas ou aux 349 dans le pire des cas – amenant le décompte entre 315 à 549 pétroliers sur le Saint-Laurent.

Ça y est, on réussit à extraire le pétrole de schiste de la Gaspésie et d’Anticosti à coup de fracturation et on remplit 35 pétroliers par an.  Le traitement des eaux de fracturation amènera-t-il une augmentation du trafic de produits dangereux sur le golfe? Probablement pas, la technique de fracturation au gaz étant pour l’instant envisagée, mais le questionnement demeure. On se lance dans l’exploitation d’Old Harry, à raison de 87 pétroliers par an. Est-ce que ces barils de pétrole brut pourront permettre de réduire nos importations d’autant? Non, avec les pipelines d’Enbridge et de Transcanada, nous en avons déjà plus qu’il nous en faut, et plus que nos raffineries peuvent en traiter. Une production équivalant à 122 pétroliers pour exportation s’ajoute ainsi aux navires déjà présents, 437 à 671 pétroliers par an sur le golfe.

Par contre, en l’absence de l’arrivée du pétrole de l’Ouest, oui, la production québécoise de pétrole pourrait réduire d’autant ses importations. Mais les barils provenant d’Anticosti ou de Old Harry navigueraient tout de même sur le golfe, ce serait donc théoriquement le statu quo. On retranchera bien quelques kilomètres à l’itinéraire de ces navires, par contre les manoeuvres de transbordement de pétrole en pleine mer sont plus risquées que son simple transport. Il est aussi possible qu’une partie du brut québécois quitterait le Saint-Laurent pour gagner le marché international, auquel cas des importations demeureraient nécessaires. Combien? Aucune idée. Dans le cas où tous les barils québécois nous échapperaient, ce serait alors entre 302 à 349 pétroliers qui transiteraient par le golfe annuellement. Évidemment, si en plus on tient compte du fait que le Projet Oléoduc Énergie Est permettrait l’ajout de 100 à 200 pétroliers pour exportation, on en arrive alors à 402 à 549 pétroliers.

Voici maintenant le scénario qu’on espère impossible : nos raffineries ne seraient pas en mesure de traiter le pétrole lourd acheminé par pipeline en raison de limites techniques, on doit donc continuer d’importer du pétrole léger de l’étranger : 262 actuels + 109 Enbridge + 100 à 200 Cacouna= 471 à 571 pétroliers. Et les maritimes ne veulent pas de notre pétrole puisqu’ils en reçoivent abondamment de l’Ouest. Ils s’abreuvent d’ailleurs davantage par voie terrestre que voie maritime, mais pas l’IPÉ. On en retranche une cinquantaine, 421-521. Ô miracle, on trouve du pétrole à Old Harry et à Anticosti, leurs 122 pétroliers nous abreuvent. Bien : Statu quo à 421-521 pétroliers sur le golfe. Ô misère, les barils d’Old Harry et d’Anticosti sont exportés aux mains de plus preneurs (tiens, côte Est américaine, par exemple…).  Le transport de toutes ces exportations s’ajoutent ainsi à celui de nos importations : 543 à 643 pétroliers au lieu des actuels 262.

Maintenant, imaginons un instant que les 4 autres provinces du golfe se disent: « Hey, nous aussi on veut notre part du gâteau, on fore offshore comme les autres! » Bon, ça suffit, assez extrapolé pour aujourd’hui.

Que retenir de ces multiples scénarios? Qu’en cumulant les projets de pipelines et de forages, la quantité de produits pétroliers à transporter sur le Saint-Laurent pourrait augmenter du double. Cette importante croissance s’accompagnerait-elle d’une augmentation de la capacité d’intervention en cas de déversement? Le cas du développement rapide du transport ferroviaire de pétrole et de son impact sur la sécurité civile et l’environnement n’a rien pour nous rassurer. Et que penser du fait qu’avant même que ces projets ne se réalisent, il y aurait déjà l’équivalent de 262 pétroliers annuellement sur le golfe, avec un capacité d’intervention de la garde côtière sur seulement 10% de la cargaison d’un seul de ces pétroliers? N’est-il pas urgent de réduire notre dépendance aux hydrocarbures?

AVIS AUX LECTEURS: Cette analyse cible les risques associés au transport maritime et ne tient pas compte des gaz à effet de serre générés dans différents scénarios. Toutes questions, corrections ou informations complémentaires sont les bienvenues!

* : Ces données ont été extrapolées au meilleur de ma compréhension avant la sortie des rapports sur le transport maritime de Transport Canada et de Genivar, me basant sur des données qui étaient alors accessibles sur le web. Ce rapport estime cependant que le tonnage circulant déjà dans l’Estuaire et le Golfe serait de 67 MT/an. J’aurais donc ici sous-évalué de moitié le transport actuel, qui serait de 489 pétroliers et non de 262. On pourrait donc imaginer un total, en cas de pipelines et de forages, d’environ 770 pétroliers (489 actuels + 109 Enbridge + 150 Cacouna – 100 Maritimes + 122 forages = 770). Cela correspondrait ainsi à une augmentation de 1,5 fois (et non du double), mais le risque n’en serait tout de même que plus grand.

« Pas dans ma cour » revisité

Détail de la mosaïque "Sciences naturelles" de Marianne Papillon à l'exposition collective "PEUT MIEUX FAIRE - Cahiers d'exercices", septembre 2012.

La main de l’Ouest force l’enfant de l’Est à boire un liquide noir. Détail de « Sciences naturelles » de Marianne Papillon à l’expo « PEUT MIEUX FAIRE – Cahiers d’exercices« , 2012.

Depuis ce printemps, l’accord des propriétaires terriens québécois est soutiré un à un, le long du tracé d’un projet d’oléoduc. On cherche ainsi à préparer le terrain pour faire passer du pétrole sous le fleuve, sur la Rive-Nord, encore une fois sous le fleuve, dans le Bas-Saint-Laurent puis dans le Témiscouata.

Pourquoi? Pour qu’on paie moins cher à la pompe? Non, pour EXPORTER le pétrole de l’Ouest par l’Est, au Nouveau-Brunswick. 1 100 000 barils de pétrole par jour, 590 barils par minute (1 baril = 160L). Il va largement dépasser la capacité de nos raffineries, ce pipeline.

Est-ce acceptable que des négociations aient ainsi lieu en catimini avec chaque propriétaire touché (en évoquant de surcroît une possible expropriation)? N’est-ce pas la stratégie énergétique de tout le pays qui en serait affectée? Le désenclavement du pétrole issu des sables bitumineux serait dramatique dans la lutte aux changements climatiques. Sans même parler du risque de déversement (une fuite de seulement 5 minutes correspondrait à 3000 barils dans la nature!) on ne peut limiter l’étude de l’impact de ce projet aux propriétaires concernés.

La Colombie-Britannique, elle, a dit non au pipeline. Ne recevoir à peu près aucun bénéfice économique mais assumer tous les risques environnementaux et de sécurité civile? Non merci, on les comprend. Pourquoi ce serait différent au Québec?

Barack Obama a quant à lui répété à plusieurs reprises qu’il fallait rejeter Keystone XL s’il était prouvé que sa construction augmenterait de manière importante les émissions de gaz à effet de serre dans le monde.

Et au Québec? Eh bien Mme Marois se dit bien ouverte à la chose, oui oui. Pourrons-nous être consultés même si le tracé du pipeline ne passe pas chez nous? Pas sûr. C’est le syndrome « pas dans ma cour » revisité: ça ne passe pas dans votre cour, ce tuyau-là? Alors désolé, mais cela ne vous concerne pas.

Il est plus que temps que le débat s’ouvre et que tous les Québécois aient le droit de parole sur ce projet. À l’automne 2013, une consultation publique sur le dossier de l’énergie aura lieu (info et inscription ici). Ce sera l’occasion de poser nos questions sur les enjeux de fonds, de parler de nos préoccupations concernant les projets énergétiques que sont les pipelines, le transport ferroviaire, les forages, la fracturation, l’exploration extra-côtière, l’économie d’énergie, le virage vers les énergies vertes et la réduction des gaz à effet de serre.

Pour ma part, je leur demanderai pourquoi on nous parle encore de forer le golfe du Saint-Laurent et de fracturer Anticosti si on compte de toute façon EXPORTER le pétrole de l’Ouest en passant par l’Est?? C’est qu’elle grande, très grande, notre cour!

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